Financement du projet Autolib’ – Introduction


Le financement du projet Autolib’ est souvent mal compris du grand public et rarement bien expliqué dans la presse généraliste ou spécialisée. Le mode de financement reprend les principes de la DSP (cf. article sur la structure juridique du projet Autolib’), mais avec des spécificités propres au projet : financement par un nombre élevé de collectivités du déploiement des bornes de recharge, juxtaposition de 2 services complémentaires (autopartage particuliers et entreprises, service de recharge), ingénierie financière.

Financement public : les bases juridiques

Justification du recours à une délégation de service public

Dans la mesure où le projet était une première mondiale de par son ambition, son échelle et sa complexité, aucun acteur privé n’acceptait de prendre en charge l’intégralité des risques, technologiques et économiques. J’ai détaillé dans un précédent poste les principaux défis du projet Autolib’ en termes de service apporté (autopartage en trace directe), d’échelle et de technologie (obligation d’utiliser uniquement des véhicules électriques).

Il est utile de noter que la ville de Paris a un historique de soutien à l’autopartage, en octroyant des avantages spécifiques aux opérateurs titulaires du label « autopartage Paris » délivré par la ville sur la base d’un cahier des charges (précurseur du label autopartage établi suite au Grenelle 2, précisé par décret). Pourtant aucun de ces opérateurs, par lui-même, n’a pu développer de projet ambitieux au-delà de quelques dizaines de véhicules. C’est le principal argument utilisé par le Syndicat Mixte lorsqu’il a dû défendre le bien-fondé de la DSP contre des plaintes du syndicat des taxis ainsi que plusieurs loueurs courte durée.

Le soutien des collectivités franciliennes au développement d’un service d’autopartage via une délégation de service public est donc fondé juridiquement sur la carence de l’offre privée pour un service non directement substituable à l’offre des taxis ou des loueurs longue durée, dont le développement présente un intérêt général (notamment la réduction du nombre de véhicules stationnés à Paris et une baisse des émissions locales de pollution – NOx, particules, etc…). Ce soutien est aussi justifié par l’utilité d’une harmonisation et d’une coordination du service à l’échelle d’un bassin de mobilité, en l’occurrence la première couronne dans un premier, puis finalement l’ensemble de l’Ile de France.

Justification de la subvention accordée par les collectivités locales

Il restait à justifier une aide financière de nature à permettre une prise de risque partagée entre les collectivités et l’opérateur privé du service. En effet les règlementations européennes sur la libre concurrence sont très strictes sur les aides d’Etat accordées au secteur privé. L’une des dérogations accordées aux aides d’Etat (prohibées par défaut) est la possibilité accordée de compenser une exigence du service public qui n’a pas de justification économique pour l’opérateur privé. Exemple : en France, Orange est l’opérateur du service universel de la téléphonie, qui comprend une obligation d’accès au réseau téléphonique avec un tarif social sous conditions de ressources. Cette obligation représente un coût financier pour l’opérateur, qui se voit dédommagé à ce titre par l’Etat (via une contribution des autres opérateurs au prorata de leur chiffre d’affaires).

Dans le cas d’Autolib’, une exigence bien spécifique du cahier des charges était l’obligation d’avoir recours uniquement à des véhicules électriques pour rendre le service d’autopartage, ainsi que d’offrir un service de recharge ouvert au public. Hors pour rendre un service d’autopartage, il n’est pas absolument nécessaire d’utiliser ce type de véhicules (même si je fais partie de ceux qui trouvent cela très pertinent).

Le Syndicat Mixte Autolib’ a mis en avant le fait que le recours à des véhicules électriques ne justifiait pas par lui-même une aide publique parce que le coût complet sur sa durée (TCO) d’un véhicule électrique est susceptible d’être équivalent à celui d’un véhicule thermique équivalent. En revanche il a souligné que le déploiement de véhicules électriques implique nécessairement le déploiement d’une infrastructure de recharge. Les travaux menés dans le cadre du Livre Vert sur les infrastructures de recharge ouvertes au public pour les véhicules « décarbonés », dirigé par le sénateur Louis Nègre, ont d’ailleurs montré que ces infrastructures sur la voie publique n’avaient pas de rentabilité économique par elles-mêmes mais étaient un préalable indispensable à la généralisation de véhicules électriques, ce qui justifie la prise en charge financière de leur déploiement par les collectivités locales et l’Etat.

Par conséquent le Syndicat Mixte a décidé d’accorder dans le contrat de DSP un financement pour le déploiement des infrastructures de recharge nécessaires au projet. Tant que le montant de l’aide est inférieur à la subvention d’investissement versée, cette aide dispose d’une base juridique solide. Ce financement est d’un montant maximum de 60 000€, mais a atteint 50 000€ pour l’essentiel des stations déployées.

Pour obtenir cette subvention la société Autolib’ (groupe Bolloré) doit ainsi constituer un dossier pour chaque station déployée avec les justificatifs de dépenses (factures des différentes prestations liées à l’installation des stations). Sur la base de ces dossiers, le Syndicat Mixte verse à Autolib’ le montant de subvention prévu.

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