Le STIF a sorti ces dernières semaines une nouvelle version de son application mobile Vianavigo destinée à fournir des informations unifiées sur tous les transports publics en Ile de France (dont le STIF a la charge). Une première version de Vianavigo était sortie l’an passé.
L’enjeu pour le STIF est de se positionner, en tant qu’organisateur des transports sur le territoire, comme la source de l’information voyageur gratuite pour les citoyens, alors que les transporteurs, particulièrement la RATP et la SNCF, se sont saisis du sujet il y a déjà quelques années et mettent d’ores et déjà à disposition des applications (l’application RATP étant plutôt réussie, celle de Transilien un peu en retrait).
Après une v1 correcte mais qui ne parvenait pas à éclipser les applications existantes, la v2 a des arguments pour convaincre les utilisateurs… à condition qu’ils renoncent à leur application habituelle. Malgré sa qualité, cette nouvelle application souffre encore de quelques limitations et n’est pas encore assez tournée vers les réseaux et l’apport des citoyens justement à l’information voyageurs. Peut-être pour une v3, qui serait accompagnée d’une évolution de la position du STIF et des politiques sur ce sujet sensible des transports en Ile de France… et de leur qualité !
La problématique de l’information voyageur en Ile de France
Un réseau de transports complexe
L’Ile de France est un bassin de mobilité relativement bien délimité mais très complexe, marqué par la centralité autour de Paris (qui structure la vie quotidienne et professionnelle, donc les transports), et la présence de multiples opérateurs de transports. Des informations détaillées sur l’organisation du réseau de transports en Ile de France peuvent être trouvées sur un portail dédié de Wikipedia.
Les transports « ferrés » (métros, tram, RER) sont gérés par 2 opérateurs : RATP (à Paris essentiellement), SNCF – Transilien (la majeure partie des lignes de train en petite et grande couronnes). Les franciliens connaissent bien les difficultés pratiques posées par le recours à deux opérateurs sur une même ligne (ex : RER A et RER B), induisant des ruptures de charge dans des stations clefs (ex : gare du nord ou Nanterre) et des difficultés pour obtenir une information homogène.
Les transports par bus sont gérés par une centaine d’entreprises regroupées au sein de l’association OPTILE. Les bus de Paris sont gérés par la RATP.
Des applications existantes de qualité mais aux limitations intrinsèques
Outre les aspects techniques, l’information voyageurs est donc un casse-tête pour les usagers depuis des années parce qu’hormis pour les parisiens vivant intra-muros (donc dépendant uniquement de transports gérés par la RATP), la plupart des franciliens utilisent 2, 3 transporteurs ou plus pour un trajet domicile-travail. RATP et SNCF-Transilien ont chacun développé des applications mobiles pour smartphone, mais aussi par SMS, téléphone, etc… Ces services complètent leurs sites Internet, avec un contenu identique : horaires théoriques, calcul de trajet, informations travaux et incidents depuis 2007. Depuis 2010 environ de plus en plus d’informations temps réel sur les horaires sont disponibles (il s’agit des mêmes information que celles disponibles en gare sur les panneaux d’affichage). Il faut noter que la RATP a été précurseur avec une application iPhone dès 2007 qui a eu rapidement un grand succès et a fait l’objet d’évolutions successives. Transilien a accumulé du retard dans ce domaine, au départ n’ayant que son site Internet, puis un site dédié mobile, enfin une application mobile qui reste un peu en retrait de l’application RATP pour ce qui est de l’ergonomie et de la complétude.
Les limites sont inter-réseaux. La SNCF et la RATP échangent leurs fiches horaires, mais pas leurs informations temps réel (ou bien partiellement), ce qui aboutit à des applications incomplètes. Surtout le réseau de bus francilien est difficile d’accès sur ces applications, même si ce mode est proposé et pris en compte dans les calculs d’itinéraires.
Pour un francilien, l’accès aux horaires de bus sur mobile est compliqué : il faut trouver le site du transporteur local, faire une recherche de fiches horaires, rien d’ergonomie, d’intégré et performant. En tant qu’usager j’évite toujours le bus, hormis ceux proches de chez moi dont je comprends les horaires, la régularité, la localisation des stations, etc… Prendre un bus inconnu présente trop d’incertitudes dans un trajet. Il faut signaler aussi que l’information temps réel n’est disponible dans aucune application, alors que c’est particulièrement important pour ce mode de transport particulièrement sujet à alea. La multiplicité des transporteurs implique que seul une autorité fédératrice peut mettre efficacement et économiquement de l’information à disposition.
Quelle valeur ajoutée pour la nouvelle application Vianavigo ?
La nouvelle application Vianavigo est intéressante sur trois aspects.
Le premier aspect positif est le calcul d’itinéraires, fonctionnalité essentielle lorsqu’on se déplace dans la ville. L’application est probablement la plus performante et ergonomique désormais : simplicité de la saisie de la destination (la saisie semi-automatique est réellement performante, la géolocalisation des adresses très efficace et réactive). La présentation de plusieurs résultats (plus rapide, moins de marche, etc…) est claire et ergonomique. C’est un vrai bonheur que de rechercher un itinéraire. La sauvegarde des résultats de recherche ou bien de l’itinéraire (ex : Pontoise – Ternes) est simple, intuitive et pratique.
Le deuxième aspect positif, c’est la disponibilité des horaires de bus, qui sont beaucoup mieux intégrés et présentés. On peut ainsi accéder aux fiches horaires de chaque ligne de bus de manière simple et efficace, par exemple en tapant simplement un numéro de ligne. Des choix multiples sont alors présentés sans lourdeur Ex : si je tape « 45″ l’application me présente les 5 lignes de bus d’Ile de France portant le numéro « 45″ et il est aisé d’identifier la ligne recherchée.
Enfin, la principale supériorité de Vianavigo selon moi porte sur le module de cartographie et de localisation des différents modes de transports. Alors que la RATP se contente du plan des lignes de tranport, Vianavigo intègre Google Maps (riche idée !) pour présenter l’ensemble des stations. C’est d’une grande importance pour la multimodalité. Qui n’est jamais descendu d’un train / métro / RER, à la recherche d’un tramway ou d’un bus, et perdu 10 mn à chercher le bon arrêt (surtout quand 15 lignes de bus desservent la gare !), demandant sans succès à du personnel en gare (ils ne s’occupent pas des bus !), à des passants, pour finalement constater qu’ils sont sortis du mauvais côté de la gare ou bien qu’ayant finalement trouvé la station de bus il ne s’agit pas du sens de circulation souhaité. Avec Vianavigo, ces petits tracas devraient pratiquement disparaître. J’ai constaté que le géocodage des stations de bus par exemple n’était pas parfait (sur une même place, des incertitudes demeurent sur la localisation exacte de chaque ligne), mais permet de se diriger suffisamment précisément pour finalement retrouver le bus sans perdre trop de temps.
Cette fonctionnalité est d’autant plus intéressante que lorsque vous affichez la carte autour de vous, vous pouvez connaître tous les transports à disposition (taxis, bus, train, etc…) et afficher les horaires en cliquant sur la station ! Simple et pratique, encore une fois, avec une véritable valeur ajoutée pour les utilisateurs.
Vers de l’info voyageur pour et par les citoyens ?
Si cette application est une évolution heureuse qui peut rendre service au voyageur régulier ou occasionnel, démontrant par là-même qu’une autorité de transports peut faire le choix de l’efficacité et de se saisir de ce qu’il existe de meilleur (ex : la cartographie avec Google Maps) pour construire son application, il n’en demeure pas moins que j’attends une version 3 avec impatience ! Je l’appelle de mes vœux en tout cas. Car tout n’est pas réglé en termes d’information voyageurs dans un réseau aussi complexe que celui d’Ile de France.
L’information temps réel
Le premier aspect, c’est que l’information temps réel sur les horaires en station n’est pas du tout disponible. Pour les réseaux RATP et SNCF, cela signifie simplement que l’on gardera à portée de main ces applications ou que l’on suivra les fils Twitter spécifiques. C’est tout de même dommage, car beaucoup peut être fait avec ces informations. Par exemple Transilien propose de recevoir des notifications automatiques en cas de perturbations sur certaines lignes. Pour le « commuter », c’est le principal intérêt au quotidien d’une application informations voyageur, puisqu’il n’a pas besoin de l’itinéraire mais d’informations sur les perturbations (et le push a alors tout son sens) et éventuellement d’alternatives (qui nécessairement doivent prendre en compte une dimension temps réel en cas de perturbations). Par conséquent l’application Vianavigo a peu d’intérêt pour ce type d’usages. Le problème vient certainement de ce que ces informations sont générées directement par la SNCF et la RATP, qui pourrait faire des difficultés pour partager ces données.
Pour les bus, aucune information temps réel n’est accessible, hormis en station (lorsque les affichages fonctionnent ou existent). Par conséquent cela devrait être un chantier prioritaire pour le STIF afin d’améliorer la fiabilité et l’accès aux bus. Il n’est pas possible et pas très efficace d’installer des panneaux d’affichage dans chaque station de bus (trop coûteux pour les petits arrêts peu fréquentés, risques de vandalisme). En revanche mettre à disposition l’information sur Internet / mobile serait très efficace en termes de diffusion de l’information, mais aussi en termes d’accès aux bus. Si en planifiant mon trajet je constate qu’il y a des bus aux horaires compatibles et que pendant mon trajet je peux vérifier que le passage du bus concorde bien avec mon besoin, je prendrai beaucoup plus facilement le risque de prévoir un bus « inconnu » dans mon itinéraire.
Les données de transports pour le peuple…
Les données temps réel devraient être accessibles et exploitées dans Vianavigo, car le STIF représente les usagers qui financent dans leur intégralité les réseaux de transport et leur fonctionnement (via le STIF en direct, les impôts locaux et nationaux, leur contribution directe, ou bien celle des entreprises qui les emploient). Le STIF est donc légitime à réclamer l’accès intégral à ces données et devrait faire l’effort de les intégrer pour améliorer son application.
Avec ces données Vianavigo pourrait proposer des options très intéressantes.
La première, toute simple : l’information temps réel (alertes) pour l’ensemble des réseaux, idéal pour les franciliens parcourant de longues distances sur plusieurs réseaux qui disposeraient alors d’un outil unique et performant.
Seconde option qui découle de la première et de la capacité à connaître tout le réseau, celle d’offrir des itinéraires « en temps réel ». Idéal pour recalculer des alternatives en cas de perturbations sur la base de l’ensemble des données disponibles. Il s’agirait d’un immense service rendu aux franciliens
La troisième option est beaucoup plus radicale. Pourquoi ne pas utiliser l’historique des données temps réel pour évaluer de manière très précise la fiabilité de chaque ligne en fonction de l’heure et du jour (ce que fait Google Maps pour la circulation automobile par exemple) ? Je vois d’ici les réactions indignées et protestations des transporteurs. Mais ce sont nos données et nos réseaux de transports, nous avons donc le droit d’accéder à toute l’information sur la qualité de service afin d’être efficaces. Le STIF serait tout à fait légitime, dans un vrai rôle de contrôle pour mettre à disposition cette information. Cela pourrait prendre 2 formes :
- Tenir compte de la régularité / fiabilité de la ligne lors d’une recherche d’itinéraire. Si le train Saint-Lazare a une fois sur deux 10 minutes de retard, autant en tenir compte dans l’itinéraire et informer l’utilisateur de cette probabilité ;
- Mettre à disposition l’information détaillée sur la régularité (cela va au-delà de Vianavigo) pour que chacun puisse évaluer la qualité de la desserte d’une entreprise ou d’un logement. Cela aurait beaucoup de conséquences je le sais, mais à long terme des effets bénéfiques sur la qualité des transports. Je ne m’attends pas à ce que cela arrive avant longtemps malheureusement….
On reproche souvent au STIF de ne pas exercer un contrôle assez efficace sur les transporteurs. Ce serait une manière extrêmement efficace et peu coûteuse de montrer aux citoyens que le STIF fait bien son travail en ce domaine (ce qu’il fait avec des moyens semble-t-il limités aujourd’hui).
Par le peuple!
Il y a donc la question de l’ouverture des données transporteurs soit via de l’Open Data, soit via des services ouverts a minima, sur laquelle le STIF devrait prendre davantage d’actions. Outre les données transporteurs, le STIF pourrait aussi jouer un rôle pour permettre à tout usager des transports en commun d’interagir avec le réseau.
L’une des problématiques de l’information générée par les utilisateurs, c’est que la valeur provient de la densité d’utilisateurs. Donc si beaucoup d’utilisateurs utilisent l’application Vianavigo, ils pourraient très bien utiliser celle-ci pour signaler des incidents / retards, compléter des informations sur leur trajet. Parce que le STIF n’a peut-être pas vocation à modérer, analyser et exploiter toutes ces informations, celles-ci pourraient être mises à disposition de tous sous forme d’Open Data, aussi bien aux transporteurs, aux usagers qu’à des développeurs d’applications ou de services. Le modèle est à construire, mais le STIF, avec une application utilisée de tous, pourrait être le tiers qui rend possible la génération de la donnée.
Ces informations pourraient aussi être utilisées par le STIF pour des analyses qualitatives de la perception des usagers, et mises à disposition de chercheurs souhaitant mieux comprendre comment les usagers interagissent avec les modes de transport public.
Conclusion
Vianavigo est une application mobile pertinente pour la plupart des usagers, avec quelques innovations qui facilitent la multi-modalité, notamment l’accès aux bus. Cela ouvre la voie à des évolutions majeures qui permettraient
Bonjour
Excellent article. Je vous invite pour aller plus loin à découvrir l’appli gratuite Urban Pulse (lien vers site web ou description Appstore ou Google Play : http://app.urbanpulse.fr/download ), la seule à proposer des informations sur tous les modes de transport en IDF (et s’il en manque, contactez [email protected] pour étudier comment les intégrer). Urban Pulse a justement été pensée pour répondre, entre autres, aux problématiques de fractionnement des informations et services inter-réseaux et inter-modes que vous évoquez. Notez qu’Urban Pulse fonctionne justement en partenariat avec le Stif, ainsi qu’avec de nombreux autres éditeurs/acteurs.
Urban Pulse c’est aussi une nouvelle approche de la mobilité : le déplacement est intégré à des services d’identification d’opportunités de sorties (ce qui est à l’affiche, des promos, des lieux d’intérêt…) et de gestion de rdv avec ses amis.
N’hésitez pas à nous contacter pour partager vos retours ou en découvrir plus sur Urban Pulse.
Bien cordialement
Julien