La consommation collaborative et l’Identité Numérique : le chaînon manquant de la confiance


La consommation collaborative se développe dans tous les domaines : hébergement collaboratif, partage de biens, de services et de connaissances, création de monnaies alternatives. La consommation collaborative trouve aussi de très belles applications à la mobilité : le covoiturage, qui décolle en Europe, et la location de voitures entre particuliers, qui fait le buzz actuellement. La consommation collaborative est même devenue une communauté qui se structure, partage et agit, par exemple via le site Ouishare.

L’identité Numérique, c’est une offre de La Poste qui permet de fournir des garanties sur l’identité et l’adresse physique d’un individu, mais c’est surtout un enjeu majeur du développement de la consommation collaborative. En effet la confiance entre les individus est essentielle au développement de cette nouvelle forme de consommation. A quelle condition peut-on accepter de louer sa voiture à un inconnu (ex : sur Deways) ou bien d’aller passer une nuit dans l’appartement d’un inconnu (ex : sur airbnb) ? À la condition express d’avoir un faisceau d’éléments et de garanties instituant une confiance réciproque…

Notation par les utilisateurs et consommation collaborative

Aujourd’hui l’outil le plus utilisé pour inspirer la confiance entre utilisateurs est la notation entre utilisateurs, sorte de « credit scoring » représentant la « performance passée » de l’utilisateur d’une plateforme comme Ebay (qui a popularisé ce concept). Les utilisateurs se notent ainsi entre eux à l’issue de la transaction, qu’il s’agisse d’une vente, d’une location, d’un échange de connaissance, etc… Le principe sous-jacent est le suivant : si une personne était fiable par le passé, il y a de fortes chances qu’elle le soit toujours à l’avenir.

Le scoring est un outil utile qui présente cependant quelques limitations pour la consommation collaborative :

  • Il surpondère l’historique. Ainsi sur Ebay, le semi-professionnel ayant effectué 1000 ventes inspirera une confiance plus importante que l’utilisateur ponctuel ayant 10 notations. Mais pour atteindre un nombre élevé de transactions il faut du temps, d’autant si on a une notation considérée trop faible. Donc au démarrage il est difficile d’effectuer des transactions, par la suite elles se présentent toutes seules, c’est le poids de l’historique et de la longue traîne de toutes les transactions que j’ai pu effectuer depuis 10 ans;
  • En général les profils restent anonymes, et le plus souvent ne font l’objet d’aucune certification de l’identité. Par conséquent ma réputation reste virtuelle et limitée à la plateforme que j’utilise. SI jamais « je détruis ma réputation sur Ebay », celle-ci reste cantonnée à la plateforme, et je peux facilement repartir avec un nouveau profil vierge (mais sans historique).

Le système de notation traditionnel est donc assez performant lorsqu’il y a beaucoup de transactions dont les montants (et donc les enjeux) restent limités, de l’ordre de quelques dizaines – centaines d’euro. Mais lorsque la transaction porte sur un appartement ou une voiture, l’enjeu porte sur des milliers d’euro en cas de dégradation, et le nombre de transactions est beaucoup plus faible (typiquement un conducteur loue 5 – 10 fois par an une voiture), si bien que la constitution d’un historique suffisant pour inspirer confiance est beaucoup plus difficile.

En fait le système de notation traditionnel est utile mais insuffisant pour la location de voitures entre particuliers ou bien le couch surfing. Il ne fournit pas suffisamment d’informations et de garanties sur la fiabilité des utilisateurs.

L’utilisation du graphe social pour confirmer l’identité

Quelques acteurs de la consommation collaborative ont commencé à remédier à la faiblesse de la notation entre utilisateurs  par la sélection de leurs utilisateurs, essentiellement de manière positive en mettant en valeur de nombreux éléments de nature à « inspirer confiance ». Quelques exemples :

  • Sur airbnb vous pouvez : vérifier votre email et votre téléphone, connecter vos réseaux sociaux Facebook, Twitter et LinkedIn, obtenir une visite de certification avec photos effectuée par airbnb. Les détails ici ;
  • Sur Deways vous pouvez : vérifier votre email et votre téléphone, connecter vos réseaux sociaux Facebook et LinkedIn, vérifier votre permis de conduire, la carte grise et le contrôle technique du véhicule, et votre adresse physique, poster des photos de profil et des photos de vos véhicules. Les détails ici. Concrètement un profil avec multi-validations et informations personnelles ressemble à cela.

Airbnb comme Deways développent aussi la notion d’amis et de groupes d’amis sur leur plateforme et peuvent se connecter à Facebook pour partager les liens (le graphe social) que vous avez déjà sur ce réseau.

Tous ces éléments facultatifs, pour certains fortement encouragés, apportent un faisceau de preuves sur votre identité. En effet si tout le monde peut créer un faux compte sur un réseau social, il est bien plus difficile de créer un faux compte avec un réseau de connaissances bien réel. Ainsi si vous connectez votre compte Facebook sur une plateforme de consommation collaborative, vos contacts pourront visualiser les liens qui vous unissent. L’absence de liens peut éveiller la suspicion (pour rappel, la distance entre un individu et n’importe quel autre sur la planète est inférieure à 7). C’est un excellent moyen d’offrir des outils de screening personnalisés à l’avenir, en décrivant la relation de confiance entre 2 individus spécifiques.

L’utilisation du graphe social donne une puissance toute autre à la notation traditionnelle entre utilisateurs. En effet les notations peuvent être mises en perspective avec le graphe social, ce qui diminue le nombre de notations nécessaires pour « inspirer confiance » (une recommandation par une connaissance commune pourrait très bien avoir un poids suffisant pour permettre la relation de confiance) et renforce considérablement le contrôle des comportements lié à la notation. En effet ma réputation n’est plus virtuelle, derrière un pseudo, c’est ma réputation réelle au sein de mon graphe social qui est en jeu, puisque partagée avec mes amis et mes relations. Ainsi l’utilisateur qui aurait une tendance à rendre les voitures qu’il loue « sales » pourrait voir sa réputation entachée par des commentaires négatifs à ce sujet. Peut-être ne souhaite-t-il pas avoir cette image auprès d’amis ou de son conjoint par exemple.

L’utilisation du graphe social et son enrichissement sur la plateforme permet d’utiliser les affinités des utilisateurs pour les mettre en relation. Car je peux faire confiance à quelqu’un aussi parce que nous apprécions la même musique ou pratiquons le même sport. Cela crée un terrain favorable à notre rencontre et à l’échange de biens et services. C’est ainsi que Deways va jusqu’à choisir comme nouvelle baseline « Location de voitures par affinités ».

Pour la consommation collaborative, les réseaux sociaux comme Facebook sont donc des fournisseurs de graphe social permettant de lier les utilisateurs entre eux et de se reposer sur le contrôle par les pairs pour sélectionner les bons utilisateurs, non pas de manière absolue (c’est le screening traditionnel) mais de manière relative est personnalisée (2 personnes ayant des profils compatibles pour une transaction). Après tout tant de transactions peuvent mal se passer simplement à cause de malentendus ou d’incompréhensions entre utilisateurs.

L’Identité Numérique : le chaînon manquant

Il manquait tout de même jusqu’ici la clef de voûte du système de confiance, l’identité réelle des utilisateurs. C’est cette information qui peut renforcer considérablement l’ensemble des autres moyens de contrôle et de screening. Hors pour les acteurs de la consommation collaborative qui ont un modèle décentralisé et reposant sur le web 2.0, cette vérification d’identité est complexe et coûteuse, en l’absence d’agences physique pour le contact avec les clients. La seule solution réalisable est d’envoyer un recommandé à l’utilisateur, mais celui-ci n’est pas forcément remis en face à face (procuration) et le coût reste prohibitif à grande échelle (coût d’envoi + coûts de traitement).

De son côté, La Poste a lancé en début d’année une offre, IDN, destinée à identifier les clients particuliers afin de leur permettre de recevoir des recommandés par voie électronique. Hors la valeur légale du recommandé avec accusé de réception nécessite de pouvoir identifier le destinataire avec fiabilité. D’où le service IDN.

Cependant La Poste, comme tous les acteurs du web, est confrontée à la problématique de l’effet réseau : le service IDN prend de la valeur pour La Poste et ses clients à partir du moment où le nombre d’inscrits à IDN est élevé (c’est typiquement une relation quadratique, c’est à dire que si le nombre d’utilisateurs double, la valeur est quadruplée!). Par conséquent La Poste, au-delà de son positionnement comme intermédiaire de confiance, a tout intérêt à ouvrir le service IDN à des partenaires pour enclencher deux mouvements vertueux :

  • Les particuliers ont d’autant plus intérêt à s’inscrire et utiliser leur compte IDN qu’il peut leur servir à accéder à de nombreux services et sites web ;
  • Les partenaires ont d’autant plus intérêt à adopter le support des comptes IDN que le nombre d’utilisateurs est important. La Poste, utilisateur du service IDN pour ses propres offres, en est le premier bénéficiaire.

Les deux phénomènes précédents devraient s’alimenter l’un l’autre, à condition qu’ils soient amorcés. L’amorçage a lieu à l’initiative de La Poste, qui a proposé à des services pionnier et/ou leader de leur secteur de la consommation collaborative d’adopter le service IDN sur leur plateforme. Pour Deways comme les autres partenaires de La Poste qui mettent aujourd’hui à disposition IDN sur leur site, l’intégration d’un tel service, fourni par La Poste, était naturelle, elle correspond à leurs attentes et leur vision depuis longtemps.

Concrètement, La Poste propose à ses partenaires une API leur permettant de valider l’identité de leur utilisateurs à partir du moment où ceux-ci disposent d’un compte IDN ou en créent un. Identité, adresse physique, téléphone mobile peuvent ainsi être certifiés, et un badge spécifique est alors apposé sur le profil utilisateur. IDN permet aussi le SSO (authentification unique à différents services) et l’inscription facilitée en pré-remplissant les informations personnelles de l’utilisateur.

La confiance, comme l’amour, exige des preuves

Les acteurs de la consommation collaborative, fondamentalement, sont des pourvoyeurs de confiance entre utilisateurs bien plus que de simples intermédiaires effectuant une mise en relation. La valeur d’un airbnb, c’est sa capacité à garantir aux voyageurs un logement correspondant à la description, avec une propreté satisfaisante, et à garantir aux propriétaires de logements l’absence de dégradations ou d’agression de la part des voyageurs. La valeur de Deways, c’est de garantir aux conducteurs un véhicule correspondant à la description et sûr, et de garantir aux propriétaires que le conducteur a un bon comportement général (et un bon comportement de conduite en particulier) et est responsable (il fera tout le nécessaire avec Deways pour restituer le véhicule au propriétaire dans de bonnes conditions).

Cette confiance ne peut se présumer à partir d’un seul indice. Elle repose sur la vérification de l’identité réelle (IDN) et des autres attributs des utilisateurs ou de leurs véhicules (permis, carte grise, etc…), elle utilise le graphe social pour personnaliser les recommandations et le screening, et y associe la notation entre utilisateurs pour établir la réputation des utilisateurs auprès de leur réseau social et de l’ensemble des utilisateurs de la plateforme.

C’est grâce à tous ces outils que la consommation collaborative pourra développer et massifier ses offres sans perdre les bénéfices du contrôle par les pairs qui caractérise les réseaux naissants dans lesquels tout le monde se connaît. C’est ce qui techniquement rend possible la consommation collaborative plus qu’il n’y a 10 ans (alors que les sites e-commerce ont pu se développer avec les outils de l’époque).

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