Consommation collaborative et mobilité sous les projecteurs


Mobilité et consommation collaborative au JT de TF1

TF1 a diffusé hier soir un sujet sur la consommation collaborative lors de son journal du 20H. C’est l’une des premières fois en France que la consommation collaborative reçoit une aussi grande exposition, auprès de sept millions de téléspectateurs (Source : TF1), pendant plus de 3 minutes.

La vidéo et la présentation des différents services choisis par TF1 sont disponibles sur le blog de Deways.

J’ai surtout été surpris de constater que sur 5 services présentés ou mentionnés, 4 avaient un lien direct avec la mobilité et les voyages. C’est bien plus que la proportion d’entreprises de l’économie collaborative qui se consacrent à ce sujet, et cela m’inspire quelques réflexions dans ce billet.

La conso collab en prime time… avec un fort focus mobilité !

Certes la consommation collaborative est devenue un sujet branché au cours de ces dernières années, qui fait l’objet d’une couverture régulière de la presse spécialiste et surtout de la blogosphère. Un media lui est même entièrement consacré en France, il s’agit de OuiShare, qui fédère les acteurs (entrepreneurs, professionnels, chercheurs et militants) intéressés par ce nouveau mode de vie et de consommation. En revanche il n’y avait eu jusqu’ici que quelques passages sur les chaînes hertziennes, l’un des plus notables étant un reportage réalisé par M6 en 2010 pour Capital (reportage notamment consacré à Deways à l’époque). En revanche il n’y avait jamais eu un sujet de plus de 3 minutes intitulé « La consommation collaborative, c’est quoi ? » au JT de 20H. Ledit JT a été suivi par 7 millions de téléspectateurs selon la chaîne.

Pour ce sujet les équipes de TF1 ont présenté 5 exemples de consommation collaborative, dont 4 avaient un lien direct avec la mobilité : la location de voiture entre particuliers bien sûr (Deways), le partage de place de parking entre particuliers (SharedParking), le transport de colis par des particuliers (Expédiez entre vous) et la location d’appartements entre particuliers (Airbnb et Wimdu) – c’est un sujet lié aux voyages. Seul un service n’avait pas de lien avec la mobilité, le colunching (DineDong).

Pourtant de nombreux autres domaines sont touchés par la consommation collaborative, dont on peut trouver de nombreux exemples sur le blog d’Antonin Léonard dédié à la consommation collaborative : alimentation, produits du jardin, partage de savoirs et de connaissances, échange, partage et troc d’objets de tous types, échanges de services, finance collaborative (crowd-funding), coworking, pratiques écologiques et de recyclage, etc… La liste est longue et ne cesse de s’étendre. Comme aime à le dire Antonin, il y a autant de services imaginables que l’on peut trouver de catégories sur Craigslist ou Le bon coin !

Pourquoi donc mettre en avant à ce point la mobilité ?

La mobilité : un sujet médiatique

La première raison qui peut expliquer le choix éditorial de TF1, c’est que la mobilité représente un problème palpable pour le grand public, qui fait déjà l’objet d’un traitement médiatique récurrent (ZAPA, Autolib’, pollution, circulation, etc…). Chaque français a déjà expérimenté les problèmes de circulation, soit au quotidien (grandes agglomérations) soit pour partir en vacances (grands départs, zones touristiques pendant les vacances scolaires), les impacts de l’automobile sur la santé (sans avoir lu les dernières publications de l’InVS à ce sujet, chacun mesure à son niveau les effets délétères des gaz d’échappement automobiles) et la difficulté de trouver une place de stationnement en centre-ville ou à la plage l’été.

Il est donc plus aisé pour les media de masse de traiter le sujet de la consommation collaborative sous cet angle et pour les téléspectateurs de l’appréhender concrètement.

La mobilité, cela compte vraiment

Il faut aussi reconnaître que la mobilité est omniprésente dans nos vie. Au quotidien nous passons plus d’une heure par jour (parfois beaucoup plus) à nous déplacer lorsqu’on habite et travaille en Ile de France ou dans les grandes agglomérations. Nos loisirs sont eux aussi marqués par la mobilité, qu’il s’agisse de « sortir » le soir, d’aller faire du sport ou de partir en week-end. Les services autour de l’univers du voyage sont eux extrêmement nombreux, pour « voyager autrement ».

D’ailleurs de nombreuses fractures sociales peuvent s’apprécier au regard des mobilités. Au quotidien, ceux qui ont le plus de trajet domicile – travail sont souvent les plus pauvres (ceux qui ne peuvent financer un logement dans les zones les plus denses et les mieux desservies en moyens de transport). Lorsqu’il s’agit des vacances et des loisirs au contraire, la mobilité longue distance (à travers la France pour aller au ski ou à la mer, à travers l’Europe pour des week-ends « découverte », ou bien à l’autre bout de la Méditerranée ou du monde pour des séjours touristiques) caractérisent ceux qui en ont des moyens financiers et un capital culturel supérieurs.

À cette mobilité des individus s’ajoute la mobilité des biens, la logistique, qui joue un rôle caché mais prépondérant dans nos modes de vie, notamment citadins. En cela on peut considérer que certains services qui rapprochent producteur et consommateur (ex : La ruche qui dit oui) traitent d’une problématique de mobilité qui touche les individus : ici la mobilité de ce que nous mangeons dans notre assiette !

Il en va de même du coworking. Partager des locaux pour le travail, c’est aussi la possibilité de travailler à proximité de chez soi, ou dans un lieu bien desservi par les transports en commun. L’un des objectifs du coworking est d’améliorer la mobilité professionnelle des indépendants ou des entrepreneurs.

Ainsi, quand on reprend la liste des services de la consommation collaborative, on constate qu’une majorité touche de près ou de loin à nos mobilités. Hormis le partage et la réutilisation d’objets divers, beaucoup de services hors mobilité sont beaucoup plus conceptuels et immatériels, moins matures aussi parfois, donc plus difficiles à appréhender pour le grand public (même si je suis convaincu de leur potentiel disruptif. Quelques exemples : l’éducation collaborative (Cup of teach), le crowdfunding (Kisskissbanbank ou Tous Investisseurs), l’accès collaboratif au droit (ShareLex)…

Mobilité et consommation collaborative : cela fonctionne bien

Il se pourrait que consciemment ou non il y ait une raison encore plus profonde au choix éditorial de TF1 pour son sujet : la mobilité fait bon ménage avec la consommation collaborative. Le meilleur exemple actuel, qui n’a pas été cité, c’est tout simplement le covoiturage. De nombreux acteurs développent, avec des succès divers, des offres pour la longue distance, les communautés locales et du covoiturage dynamique. Au moins deux acteurs européens sortent du lot (BlaBlaCar et CarPooling) par leur taille et leur succès.

La mobilité est essentiellement une activité qui incite au partage, car sa nature même est de relier : des personnes, des objets, des lieux. On se déplace pour rencontrer d’autres personnes, pour entrer en contact avec une culture ou bien simplement « aller chercher des objets ». On se fait livrer des objets (il y a un expéditeur, n’est-ce pas ?), on se déplace pour faire des courses (le producteur aussi se déplace ou a déplacé ses marchandises). Donc la mobilité est une activité relationnelle, ce qui peut faciliter l’essor de la consommation collaborative dans ce secteur.

Enfin, il y a suffisamment d’enjeux financiers pour que l’on accepte de franchir des barrières, des préjugés et des résistances psychologiques. Le logement et la voiture sont les deux premiers postes budgétaires des ménages (et ils sont liés!). Dans un budget vacances, le transport et le logement sont aussi les postes principaux. Donc de part et d’autre le partage se justifie, plus que pour des biens plus communs comme une perceuse.

Consommation collaborative et mobilité : un vaste champ d’étude… et d’action

Je retiens de ce sujet sur TF1 et de cette discussion la nécessité de cartographier davantage toutes les initiatives existantes et surtout d’analyser comment elles répondent à des problématiques larges du champ de la mobilité et comment elles peuvent s’interfacer aux solutions existantes qui ne sont pas dans la consommation collaborative. Ce sont des réflexions que j’ai évidemment l’opportunité de traduire en action dans les différents projets de développement que nous menons chez Deways.

L’autre grand sujet pour la mobilité et la consommation collaborative, c’est la question de la réglementation, de la régulation de ces nouvelles activités qui parfois se développent dans des zones grises du droit et de la réglementation existantes. Qu’il s’agisse du covoiturage, du partage d’appartements et de voitures, de parkings, ou bien les services de taxi privé, dans tous les cas se posent des questions, et dans tous les cas on trouve des acteurs établis qui voient d’un mauvais oeil se développer de nouvelles pratiques potentiellement concurrentes. Ces acteurs ont parfois la tentation de tirer parti de la réglementation en vigueur (qui est adaptée à leur business model, par définition) pour ralentir ces nouvelles formes de consommation : on peut observer ces attitudes aussi bien aux Etats-Unis qu’en France. Il y a alors l’opportunité pour des entrepreneurs en compétition sur leur marché d’unir leur force, leur énergie, leurs compétences et leurs ressources pour travailler avec les autorités compétentes à une évolution intelligente du cadre réglementaire qui tienne compte et régule efficacement et justement des activités nouvelles.

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5 réflexions sur “Consommation collaborative et mobilité sous les projecteurs

  1. Frédéric de Bourmont

    Article très intéressant qui nous fait bien sentir les tendances actuelles de la consommation collaborative.

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  2. Leonardo Noleto

    merci pour l’analyse. je trouve aussi dommage qu’ils n’aient pas parlé du covoiturage (de loin le service le plus populaire je pense). Pour revenir sur la mobilité, oui je pense que l’intérêt du grand public se porte sur les plus grand postes de dépense d’un ménage (habitation, transport et alimentation). Sinon pour le besoin de cartographier les initiatives de l’économie collaborative je collabore notamment avec OuiShare pour lancer le Wikico (www.wikico.cc – répertoire de sites de la consommation collaborative en format wiki) D’ailleurs la page de Deways attend d’être documenté

    Réponse
    1. Ghislain Delabie Auteur de la publication

      @Frédéric de Bourmont : Merci !
      @Leonardo Noleto : On s’en occupe pour le wikico, pas de souci, merci d’y avoir pensé). Concernant le covoiturage, mon avis est qu’ils ne l’ont pas traité parce que c’est déjà en train de devenir « mainstream », de rentrer dans les moeurs, et que leur sujet se voulait sur des pratiques nouvelles. Mais inconsciemment cela les a sûrement influencés dans leur choix…

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